Reprise d'entreprise : les étapes à suivre

700 000 entreprises à transmettre d’ici 10 ans : c’est le chiffre relevé par le rapport d’information produit par la mission de suivi relative à la transmission d’entreprise. Un enjeu de taille pour la pérennité de ces entreprises et des emplois associés, et une opportunité pour celles et ceux qui souhaiteraient se lancer dans l’entrepreneuriat, sans partir de zéro.

Quelles sont les étapes de la reprise d’entreprise ? Que faut-il savoir pour bien s’y préparer ? Nous vous donnons toutes les clés dans cet article, avec les contributions de Germain Michou-Tonning, co-fondateur et CMO d’Alvo, un outil qui accélère la transmission d’entreprise, et d’Anne-Laure Constanza Gorgé, repreneuse et CEO de Toulemonde Bochart.

À quoi ressemble le marché de la reprise d’entreprise en France aujourd’hui ? Voici quelques éléments de contexte pour bien le comprendre :

• 31 000 sociétés sont reprises chaque année, alors que 70 000 sont mises en vente.
• Environ 2 500 transactions de transmission sont réalisées par les grands intermédiaires. Les autres transmissions concernent des TPE - PME, valorisées moins de 10 M€.
• Le volume de reprise stagne, alors qu’en face, le nombre de cédants augmente fortement. Une tendance qui va s’accentuer dans les 5 à 10 ans à venir : 25 % des chef(fe)s d’entreprises ont plus de 60 ans. Dans certaines régions, comme dans les Hauts-de-France par exemple, le nombre de cédants est plus important que le nombre de repreneurs.
• Il existe un intérêt croissant pour la reprise d’entreprise, mais beaucoup de repreneurs ne savent pas comment rencontrer les cédants.
• Enfin, le marché de la reprise reste finançable, malgré le contexte actuel. Les banques continuent de prêter pour ce type de projet.

Pourquoi certains entrepreneurs préfèrent reprendre une entreprise qu’en créer une nouvelle ? Les raisons varient évidemment d’une personne à l’autre, mais deux tendances de fond du marché l’expliquent en partie :

• Promotion du repreneuriat à la place de l’entrepreneuriat

  Dans le contexte actuel, reprendre une entreprise rentable est plus facile que de lever des fonds pour les repreneurs individuels. On parle « d’entrepreneurship through acquisition ». Cela ne requiert pas le même profil d’entrepreneur(e) ni les mêmes compétences que la création d’une entreprise de zéro.

• Palier dans la création de start-ups

  En parallèle, après un fort développement depuis 10 - 15 ans, on a atteint un palier dans la création de start-ups en France.

Pourquoi reprendre une entreprise plutôt qu’en créer une nouvelle après un premier succès entrepreneurial ? Anne-Laure Constanza Gorgé, qui a fondé Envie de Fraise en 2006, explique son choix :

J'ai vendu Envie de Fraise fin 2017 au groupe Rosa, leader européen de la décoration textile, que j'ai dirigé ensuite. Linvosges, la marque centenaire du groupe, avait été reprise en 2006 et j'avais adoré travaillé sur la transformation de cette superbe marque patrimoniale française. Après 4 années à la tête de ce groupe sous LBO de 250 M€ de chiffre d’affaires, j'ai souhaité retrouver ma liberté et reprendre un projet entrepreneurial. Le choix de la reprise s'est imposé à moi. Je sais combien construire une marque, la faire grandir, acquérir des clients et une notoriété sur son marché est un processus long et coûteux. Or, j'avais envie d'aller vite, d'apporter mon expertise à une boîte existante, mais pas n'importe laquelle.

Deux types de repreneurs existent : les repreneurs individuels, qui peuvent racheter une entreprise valorisée jusqu’à 2-3 millions d’euros en moyenne, et les repreneurs corporates, des entreprises qui rachètent d’autres entreprises (fusion-acquisition).

Pour les repreneurs individuels, il faut que l’actif de l’entreprise soit solide. Toute sa valeur réside dedans. Il s’agit donc de TPE - PME rentables, qui sont à reprendre notamment parce que le dirigeant part à la retraite, pas d’entreprises en difficulté.

Les entreprises en difficulté s’adressent aux repreneurs corporates, qui peuvent avoir un intérêt à racheter le fonds de commerce pour leur activité.

Le rachat d’une entreprise ne s’improvise pas plus qu’une création d’entreprise. Première étape du processus : s’éduquer.

Où trouver les annonces de transmission d’entreprises ? Plusieurs bourses de cession et plateformes de mise en relation entre cédants et repreneurs existent (CCI, Alvo, etc).

Peut-être avez-vous une idée précise en tête pour votre projet de reprise d’entreprise. Cela permet de concentrer votre recherche sur un nombre plus limité de dossiers, comme dans le cas d’Anne-Laure Constanza Gorgé :

Une fois familiarisé(e) avec le marché, vous devez vous former à la reprise d’une entreprise. Comment trouver le bon projet ? Comment faire votre audit ? Quels sont les montages financiers existants ? Toutes ces informations sont cruciales pour réussir votre reprise. Certains organismes délivrent des formations spécialisées sur le sujet afin d’aider les futurs repreneurs(ses). Le plus connu d’entre eux est CRA Formation (formations éligibles au CPF).

En complément du sujet de la reprise en elle-même, vous pouvez également bénéficier de formations sur des volets importants de la gestion d’une entreprise : juridique, comptable, financier.

Pour trouver le bon dossier, Germain conseille de suivre la règle des 2 - 2 - 2 : 2 minutes, 2 heures, 2 jours :

En phase de recherche active pour votre projet de reprise d’entreprise, le deal flow, soit le nombre d’opportunités reçues, est votre priorité.

Il ne suffit cependant pas de recevoir beaucoup de dossiers : votre rythme d’étude et votre rapidité de décision sont également clés. Quels dossiers méritent de mobiliser davantage votre temps ? Le processus de reprise d’entreprise est un projet de moyen terme, qui prend plusieurs mois. Il faut donc économiser vos ressources.

Un délai qui peut paraître long lorsqu’on est dans le processus, mais qui est à relativiser : 

Après avoir vu passer un bon nombre de dossiers d’entreprises à reprendre, Anne-Laure Constanza Gorgé a choisi Toulemonde Bochart. Un choix qui a été une évidence :

La reprise de Toulemonde Bochart fut une évidence. J'aime le design et le savoir-faire traditionnel, je suis sensible à la noblesse du travail manuel, à l'art. Nos tapis sont de véritables œuvres d'art au sol, réalisés à la main dans la plus pure des traditions ancestrales. Toulemonde Bochart, c'est une marque patrimoniale française née il y a 75 ans, un nom iconique sur ce segment de marché de la décoration d'intérieur haut de gamme, une notoriété forte qui s'appuie sur un réseau de distribution omnicanal. Je souhaitais acquérir une marque saine financièrement, et avec un beau potentiel de développement, à la fois à l'international, en digital, mais aussi avec de nouveaux segments de marché à développer. Toulemonde Bochart est une pépite qui concentre tout cela. Et, cerise sur le gâteau, une équipe formidable de personnes passionnées et engagées, très ouverte au changement.

Si, comme Anne-Laure Constanza Gorgé, vous avez trouvé le dossier pertinent pour votre projet, la rapidité de votre offre est un signal fort pour le cédant. Vous devez la formaliser dans une lettre de proposition, également appelée LOI (letter of intent en anglais).

Celle-ci n’est pas obligatoire, mais elle est couramment utilisée dans le cadre d’une transmission d’entreprise. Le repreneur y exprime son engagement et le document cadre la future relation contractuelle avec le cédant.

Une fois cette étape réalisée, vous devez mener une phase de due diligence, également appelée audit d’acquisition. Elle permet de vérifier que les informations transmises par le cédant sont vraies et sécurise votre rachat.

Parmi les éléments à étudier lors de cet audit, il faut notamment s’attarder sur la garantie d’actif et de passif. Cette clause engage le vendeur à indemniser l’acheteur si l’actif baisse ou si le passif augmente de façon postérieure à la vente, pour des raisons qui y sont antérieures.

Au-delà de la garantie d’actif et de passif, c’est également le moment de pousser l’analyse fiscale, juridique et salariale de l’entreprise en vente.

Si cette phase confirme votre volonté de racheter l’entreprise, il est ensuite temps de réaliser votre business plan de reprise détaillé. Il présente votre projet de reprise, ainsi que votre plan de développement pour la société.

Bien entendu, le budget pour la reprise d’une entreprise varie en fonction de ses caractéristiques. Impossible de donner une fourchette budgétaire sans connaître le projet détaillé.

Cependant, voici une information pour comprendre la valorisation d’une entreprise lors d’une transmission.

Une fois le business plan réalisé et le prix de cession établi, il faut trouver le financement pour votre projet d’achat. Au-delà de vos fonds propres, vos apports en capital et en compte courant d’associé, vous avez plusieurs options :

• un emprunt bancaire,
• un investissement, que ce soit par des business angels ou un fond d’investissement si l’activité s’y prête,
• un prêt d’honneur, généralement compris entre 3 000 et 50 000 €, accordé par Initiative France ou Réseau Entreprendre,
• des aides de l’État (NACRE, ARE, ARCE),
• les garanties, prêts ou investissements de Bpifrance.

Si votre plan de reprise est validé, que vous obtenez votre financement et que vous vous êtes mis(e) d’accord avec le cédant sur les modalités de la reprise, vous devez rédiger un protocole d’accord. Celui-ci fige les éléments conclus et engage les parties à finaliser la transmission de l’entreprise.

Cette phase de closing implique également le déblocage des fonds, la signature de l’acte de cession et les dernières formalités administratives.

Une fois toutes les étapes de la reprise d’entreprise finalisées, il est d’usage de prévoir une phase de transition entre le repreneur et le cédant pour assurer la continuité de l’activité.

Est-il possible de réaliser l’ensemble des démarches d’une reprise d’entreprise seul(e) ? C’est possible, jusqu’à un certain point : la lettre d’intention. Pour les étapes suivantes de la reprise, et notamment l’audit d’acquisition, il est conseillé de faire appel à un(e) professionnel(le), comme un(e) avocat(e).

De son côté, Anne-Laure Constanza Gorgé s’est entourée de plusieurs professionnels :

Être entrepreneur(e), sans créer son entreprise de zéro : c’est possible, et c’est ce que le repreneuriat propose. Avant de conclure cet article, Anne-Laure Constanza Gorgé vous glisse quelques derniers conseils pour reprendre une entreprise :

Vous avez désormais toutes les informations nécessaires pour vous lancer dans votre projet de reprise.

Chez Qonto, que vous soyez créateur(ice) d’entreprise ou repreneur(se), nous vous accompagnons au quotidien dans la gestion de vos finances.